Daniel Avery

Interview

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Le producteur/DJ anglais Daniel Avery est à l'origine de l’un de nos albums électro-dance préféré de 2013. Nous l’avons appelé pour en savoir plus sur ses goûts musicaux et ses influences pour son premier album "Drone Logic".

Quel est ton souvenir musical le plus vieux?

Je ne me rappelle pas très bien mais il y avait toujours de la musique à la maison quand j’étais petit. Toujours. Mon père était – et l’est encore – obsédé de musique. Je me rappelle écouter New Order quand j’étais très jeune, et j’aimais beaucoup les chœurs, je chantais dessus.

Quel a été le premier album que tu aies acheté?

Avec mon propre argent, c’était probablement "Master Of Puppets" de Metallica. J’adorais tout ça.

La guitare était donc ton premier amour. Quels étaient tes artistes phares?

New Order était sans aucun doute majeur, et quand j’étais un peu plus jeune, The Smashing Pumpkins. J’aimais aussi beaucoup Death In Vegas. C’était un groupe que j’ai découvert tout seul, donc pour cette raison il m’était très spécial. Pareil pour My Bloody Valentine, un autre groupe que j’ai découvert et dont je suis tombé amoureux immédiatement.

Quand et comment t’es tu tourné vers le DJing?

J’avais 18 ans, donc il y a 10 ans. J’ai grandi à Bournemouth et quand je sortais en boîte, je ne trouvais jamais vraiment grand chose que j’aimais. C’était soit de la musique qu’on entend dans les charts, soit de la house dégueu dont je n’étais vraiment pas fan. Ce n’est que quand je suis tombé sur cette soirée alternative appelée "Project Mayhem" que je me suis senti chez moi, dès que j’y ai mis les pieds.

Ils jouaient du Gang Of Four et du ESG mais également leurs équivalents contemporains, et beaucoup de vieux disques électroclash comme Felix Da Housecat et Miss Kittin. Donc j’y allais chaque semaine et, par chance, j’ai vu une annonce chez un disquaire qui disait chercher un DJ pour débuter les soirées. Je ne savais pas du tout si je voulais devenir DJ, mais j’ai tout de même essayé et j’ai eu le job direct. Dès que j’ai commencé, je suis tombé sous le charme.

J’ai toujours été obsédé par la musique, mais ce qu’il y a de plus beau, c’est de la partager avec les autres. Donc je créais des mixtapes pour mes amis, ou nous restions debout toute la nuit à écouter les recommandations des uns et des autres, comme “T’as écouté ce titre ?!” Dès que j’ai commencé à faire du DJ, j’ai ressenti la même chose, mais en plus fort et en public.

Tu es désormais signé sur le label d'Erol Alkan, Phantasy Sound. Etant donné que tu es dans l’électroclash, ça a du être incroyable pour toi de le rencontrer.

Ça l’était. C’était le premier DJ avec lequel j’ai vraiment connecté. J’allais le voir à Trash, ou je l’écoutais à la radio où il jouait ces morceaux à la guitare dont j’étais fan, en plus de tous les autres sons électroclash. En allant le voir aux soirées Bugged Out où il jouait des longs sets d’électro et de techno, j’ai découvert un univers tout nouveau que je ne connaissais pas. Ça m’a bluffé. Donc c’est génial d’avoir bouclé la boucle, et d’avoir sorti un album sur son label. Ça me paraît logique.

Comment vous êtes-vous rencontrés?

Probablement en étant toujours celui qui traînait près de ses platines. J’allais le voir tout le temps et nous mixions dans les mêmes cercles. Je suis ami avec lui depuis assez longtemps maintenant, et ce n’est qu’il y a 18 mois qu’il m’a encouragé à créer de la musique pour son label.

Et c’est comme ça qu’est arrivé l’album?

J’ai créé le morceau "Drone Logic" pour que Andrew Weatherall le joue, car, avec Erol, il a été une influence majeure. Je l’avais déjà rencontré une ou deux fois auparavant donc je le connaissais, et je voulais juste faire un morceau qu’il pourrait jouer. Donc j’ai créé ce titre dont j’étais très content, je le lui ai donné, et il m’a appelé quelque jours plus tard pour me dire que mon titre avait eu le plus grand succès quand il l’a joué à un concert le weekend d’avant.

C’était tellement excitant, et ça m’a vraiment donné confiance. J’ai donc appelé Erol immédiatement pour lui dire ce qu’il s’était passé, et il m’a répondu “Je crois que tu devrais penser à faire un disque.” Je savais à cet instant que l’album s’intitulerait "Drone Logic": ça me correspondait. Et ce titre était le point de départ de l’album.

Est-ce ton titre préféré sur l’album?

Vu que c’est ce qui a lancé la création du disque, probablement. C’est le premier morceau dont j’étais content à 100% - j’ai senti que je l’avais réussi.

Comment penses-tu que ton goût pour la guitare a influencé la musique que tu fais maintenant?

Je ne veux surtout pas que les gens pensent que j’ai fait un album dance et rock à la fois. Je ne suis pas du tout intéressé par ça. Je voulais juste que ce soit un bon résumé de ce que j’ai fait cette dernière année, de mon temps passé dans les clubs à faire le DJ. C’était un album créé avec cet esprit de club, c’est pourquoi c’est surtout un album dance.

Je voulais cependant incorporer ces éléments de shoegaze et de krautrock dans mes morceaux. C’était un grand moment quand j’ai décidé de brancher mes machines avec des pédales de guitares dans mon studio. Tout d’un coup, j’ai ressenti que je pouvais réaliser beaucoup de sons que j’avais en tête.

Il y a eu d’autres influences à l’album, cinématiques ou littéraires peut-être?

Je n’ai pas d’exemple précis en tête, mais très certainement. Je voulais que cet album soit un trip total, et je pense que tout ce que je regardais ou lisais à ce moment-là a ajouté au disque.

Mes livres ou films préférés sont ceux qui te scotchent, et où vous avez l’impression d’avoir voyagé. Beaucoup ont un côté très psychédélique. J’aime les films calmes aussi. Je ne suis pas dans ces arts qui donnent au public ce qu’il veut dès la première seconde. Je me fiche de ce que la majorité des gens veulent, la plupart sont des idiots. Je veux quelque chose qui ait le courage de dire “Voilà où l’on se dirige, et ça va être incroyable. Vous pouvez venir voir si vous le voulez, mais ne nous pressez pas.” (Rires)

C’est la sorte d’attitude que j’ai adopté pour créer cet album. Il n’y a pas d’invités dessus, pas de hits pop immédiats et les titres sont assez longs, mais je voulais quelque chose qui me ressemble. C’était une affirmation : me voici et vous pouvez vous joindre à moi, mais on marche à mon rythme.

Tu dis qu’il n’y a pas de hits, mais c’est quand même un album très accessible.

Oui, je ne voulais pas qu’il soit limité. Et comme je jouais cet album en DJ chaque weekend, chaque démo a été bien testée en route. Je connaissais donc les chansons qui marchent avec le public.

La musique électro en général a connu un gros boost récemment. As-tu remarqué un tel changement dans les clubs?

Je crois que les clubs électro deviennent de plus en plus populaires. Bien sûr, vous pouvez entrer dans certaines salles de clubs et vous sentir découragé par le fait que les gens qui viennent dans ces clubs sont les mêmes que vous n’aimiez pas à l’école. Mais en même temps, je suis chanceux car je joue rarement devant un public que je n’aime pas.

Je trouve que la musique électro est très saine en ce moment. Si un gamin devait découvrir la scène électro via Deadmau5 ou Swedish House Mafia, je pense qu’il chercherait à en savoir plus sur cet univers et d’où ces sons viennent. En gros, malgré ma réticence initiale, je trouve que c’est plutôt positif!

Vous aimez les groupes comme Disclosure?

Oui, je n’ai pas de problèmes avec eux. Je trouve qu’ils font ce qu’ils font avec du talent. Ce n’est pas la musique que j’écoute, mais c’est un bon exemple de groupe qui fait ça bien. Il y a une vraie qualité à ce qu’ils font ; on peut voir qu’ils sont talentueux.

Quels sont tes projets pour le reste de l’année? Des remixes en vue?

Je viens de faire un remix pour Factory Floor "How You Say". J’adore Factory Floor. C’est mon nouveau groupe fétiche donc je suis super content. Je vais également bientôt commencer à produire un nouveau groupe venu de LA. Je ne peux pas vous dire leur nom, mais c’est du psyché-rock. Puis je vais continuer à passer des disques. J’aime ça plus que tout au monde en ce moment.

As-tu le projet de faire renaître la soirée Movement?

Un jour, j’espère. Matt [Walsh] et moi avons été très occupés. J’aime l’idée d’avoir une petite salle où je peux jouer régulièrement, car j’aime jouer dans des petites salles. J’ai fait ma soirée de lancement de l’album au Dance Tunnels à Londres et j’ai adoré donc cet endroit serait vraiment parfait.

Enfin, quel a été le point fort de ta carrière jusqu’à présent?

Je dois avouer que maintenant, c’est un point assez fort. Cet album, sur lequel j’ai travaillé dur et passé beaucoup de temps, est enfin entre les mains du public et il semble l’aimer. La réaction du public a été bien meilleure que ce que j’avais espéré.

Octobre 2013